Pollution aux abords du périphérique : l’État reconnu responsable.

Pour la première fois, la justice administrative reconnaît la responsabilité pour faute de l’État dans la dégradation de la santé de deux jeunes enfants qui demeuraient à proximité du boulevard périphérique parisien et ont été victimes de la pollution de l’air. Deux décisions du tribunal administratif de Paris du 16 juin 2023 (n° 2019924/4-2 et 2019925/4-2) ont condamné l’État à indemniser les familles concernées.

Les parents imputaient les pathologie (bronchiolites, asthme du nourrisson et otites) dont leurs enfants ont été atteints à la carence de l’État à maintenir une qualité de l’air satisfaisante aux abords du périphérique parisien, comme l’exige la directive 2008/50 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. Pour mémoire, la France a été condamnée en 2019 pour non-respect de ces objectifs dans le cadre d’une procédure en manquement (affaire C-636/18), notamment pour son incapacité à faire en sorte que les périodes de dépassement des seuils de pollution fixés par la directive soient « les plus courtes possibles ».

L’incapacité de l’État à restaurer durablement la qualité de l’air aux abords du périphérique au détriment de la santé des enfants constitue une faute indemnisable

Le TA de Paris a donc accueilli les recours et a reconnu la responsabilité de l’État pour faute. Il ressort en effet des expertises ordonnées par le TA que les symptômes manifestés par les des enfants coïncidaient avec les pics de pollution enregistrés par Airparif. L’instruction a par ailleurs mis en évidence que les enfants ne souffraient pas d’allergies attribuables à une autre cause, que les parents étaient non-fumeurs et que l’état de santé des enfants s’était considérablement amélioré après le déménagement des familles.

Le TA de Paris a accordé aux familles une indemnisation du préjudice lié aux conséquences strictement médicales de l’exposition répétée des enfants à la pollution de l’air. Il a également pris en compte, de manière partielle, les troubles dans les conditions d’existence de l’une des deux familles.

En revanche, il n’a pas fait droit aux autres demandes présentées : préjudices moral, d’agrément et d’anxiété subis par les parents et conséquences sur leur vie professionnelle. Ils avaient pourtant dû se résoudre à déménager dans l’intérêt de la santé de leurs jeunes enfants mais, de manière générale, le TA a estimé que ces préjudices n’étaient pas suffisamment établis pour justifier leur indemnisation. Les montants accordés apparaissent faibles par rapport aux demandes des familles, mais la portée de ces décisions est importante car elles ouvrent la voie à d’autres demandes d’indemnisation. Elles devront éventuellement être confirmées ou non en appel.

La décision du TA de Paris prend en compte la réponse de la CJUE à une question préjudicielle posée par la cour administrative d’appel de Versailles.

Les décisions du TA de Paris tirent les conséquences de l’arrêt de grande chambre de la CJUE du 22 décembre 2022 (affaire C-61-21). Dans cet arrêt, la Cour a considéré que, si les directives successives sur la qualité de l’air n’ont pas créé un droit à indemnisation par les États membres au profit des particuliers sur le seul fondement du droit de l’Union, il leur demeurait néanmoins possible d’engager, sur le fondement du droit interne de leur État membre, une action en responsabilité. Dans ce cadre, la méconnaissance des obligations inscrites dans la directive 2008/50 pouvait être prise en compte.

Pour mémoire, la Cour d’appel de Versailles, à l’origine de la question préjudicielle, avait, dans une décision du 2 mai 2023, admis la faute de l’État mais avait estimé que le lien de causalité n’était pas suffisamment établi pour justifier une indemnisation.